Quand on évoque Safietou DIOP, on pense inéluctablement RSJ, Réseau Siggil Jigeen. C’est parce que Madame a été à l’origine de sa création et reste infatigable dans le respect de sa mission de promotion des droits des femmes et l’égalité de genre. « A l’origine nous étions 7 organisations de femmes et de droits humains ; on s’est rendu compte que prises isolément, nous étions inefficaces face à un système patriarcal. La synergie a débouché sur le Réseau Siggil Jigeen ».

Née dans une famille bourgeoise à Mékhé (au centre du Sénégal), Safietou Diop a été confrontée très jeune aux contradictions d’un milieu à la fois privilégié pour les hommes et marqué par des injustices. Fille d’un imam respecté et influent, Safietou aurait pu rester dans les sentiers balisés de sa famille bourgeoise et traditionnelle. A 13 ans, l’âge où plusieurs adolescentes commencent à flirter, elle choisit de militer dans la clandestinité parce que « J’ai pris conscience très tôt de l’apport de l’outil politique » confie-t-elle. Elle est épaulée par son père qui, contre toute attente, l’encourage dans cette voie. « Il n’y’a pas d’âge pour une ligne de vie et sauver sa société. L’essentiel est d’être quitte avec sa conscience, si tu as des problèmes, je t’offre la sécurité » lui a-t-il dit.

L’adolescente militante qui embrasse la cause de la démocratie et des droits humains, fonde en 1993 le Collectif des Femmes pour la Défense des Femmes (COFDEF). A l’époque, le Sénégal traversait une crise économique marquée par les plans d’ajustement structurel. « Les familles sénégalaises vivaient une crise extraordinaire, les moyens de subsistance étaient d’abord sous la responsabilité des femmes et la dépravation des mœurs guettait les familles » confie l’inspectrice de la jeunesse de formation.

Pionnière dans la sensibilisation au VIH/Sida, à la planification familiale, des sujets tabous dans les années 90, elle a aussi pris part à des conférences internationales, plaidé pour des politiques qui prennent en compte les réalités des femmes sénégalaises. Son audace se manifeste encore, en 2017, lorsqu’elle a demandé un doublement du budget pour la planification familiale. Elle défie ainsi les normes établies et les résistances institutionnelles pour exiger de l’Etat le respect des engagements du Sommet de Londres avec un monitoring du poste de santé jusqu’au niveau central. « Ma vie c’est pour changer, améliorer la vie des autres » confie-t-elle.

Son engagement l’a amenée à croiser des personnalités influentes, comme Barack Obama. Ce dernier a reconnu l’importance de son travail en matière de démocratie et d’accès des femmes aux processus décisionnels. D’ailleurs c’est lors de cette visite que le président américain à l’époque a prononcé sa fameuse phrase : « l’Afrique a besoin d’institutions fortes pour que la démocratie aille de l’avant ».   En effet, Safietou, à travers le Collectif des Organisations de la Société Civile pour les Élections, a su mobiliser les jeunes et les femmes autour de la nécessité d’un scrutin transparent et inclusif. « J’ai été très heureuse de rencontrer Ellen Jonshon Sir Leaf. Une femme présidente qui a reconstruit un pays en lambeaux à la suite de plusieurs années de guerre civile ». En l’évoquant, elle affiche un large sourire et ses yeux brillent de joie.

La secrétaire générale adjointe du Cadre de Concertation de Coordination d’Actions de Plaidoyer pour la Santé (3CAP-Santé) reste convaincue que le Sénégal pourra bientôt avoir une femme Président. Elle en veut pour preuve les résultats scolaires enregistrées ces dernières années. En effet les filles occupent 60% des effectifs au primaire et dominent au baccalauréat. Et comme disait Nelson Mandela, « le changement dans les communautés passe par l’éducation ». Toutefois, Safietou reconnait que des défis demeurent pour le maintien des filles à l’université.

Teint noir, la soixantaine bien sonnée, douce et généreuse selon ses proches, Safietou Diop a la tête sur les épaules. Elle défend un féminisme qui prend en compte les spécificités culturelles et sociales de l’Afrique. Pour elle, il ne s’agit pas de reproduire des modèles occidentaux, mais de construire une solidarité intergénérationnelle qui valorise les femmes sans les opposer aux hommes. Elle plaide pour que les femmes occupent des postes de décision, convaincue que le véritable changement viendra de leur accès au pouvoir.

Madame FALL, tel un chef d’orchestre a su allier vie professionnelle, militante et épouse grâce à un homme qui avait les mêmes convictions qu’elle. Safietou Diop est une figure emblématique de la lutte pour les droits des femmes au Sénégal. Son parcours, marqué par une détermination sans faille et une volonté de fer, inspire des générations entières. La présidente du Réseau Siggil Jigen, incarne l’espoir d’un avenir où les femmes ne se contenteront pas de rêver de pouvoir, mais l’exerceront pleinement.